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vendredi 8 avril 2022

France 2022, le jour d'avant

Bonjour,

Maintenant qu'il n'est plus possible de publier des sondages en France, voici l'évolution des intentions de vote mise à jour, telle que mesurée par l'ensemble des sondages. Il apparaît qu'il y aura des sondeurs... et des Français, sans doute, stressés dimanche, jour de vote.

Le premier graphique montre l'évolution des intentions de vote pour les cinq principaux candidats. Les tendances constatées dans la dernière semaine se confirment.  Les appuis à Emmanuel Macron et à Marine LePen se touchent presque autour de 25%, un écart de 2 à 3 points les séparant,. L'appui à Mélenchon s'approche maintenant de 17% et les appuis à Zemmour et à Pécresse sont sous la barre des 10%.


Le graphique suivant qui montre l'écart entre les deux candidats de tête est encore plus parlant. Cet écart est estimé à environ 3,5 points de pourcentage en ce moment. Notez que la marge d'erreur pour ce type d'analyse qui tient compte de l'ensemble des sondages est nettement moins importante que pour chaque sondage pris individuellement. En résumé, il y a un écart en ce moment en faveur de Macron, mais il est mince.


Et le deuxième tour? Le même resserrement entre les appuis à Emmanuel Macron et à Marine LePen se produit au deuxième tour. Le graphique montre un écart estimé d'environ 5 points de pourcentage entre les deux candidats pressentis. Toutefois, comme je l'ai mentionné dans un message précédent, les intentions de vote de deuxième tour sont en ce moment "spéculatives" et c'est la campagne de deuxième tour qui sera déterminante. En 2017, par exemple, les sondages pour le deuxième tour faits avant l'élection de premier tour donnaient autour de 60% à Emmanuel Macron. Les sondages faits entre les deux tours lui donnaient autour de 63%. Il a terminé à 66%.


 Pour répondre à quelques questions...

1. Les sondages sont-ils fiables? On est encouragé par la performance des sondages français de premier tour de l'élection présidentielle de 2017 dont la prédiction était presque parfaite. De plus, malgré certaines différences dans les méthodologies, les estimations des instituts sont très similaires. Pour le deuxième tour, c'est une autre histoire, comme je viens de le mentionner. En 2017, les sondages avaient sous-estimé les appuis à Emmanuel Macron et non ceux à Marine LePen comme on aurait pu s'y attendre.

2. Un effet "shy Le Pen" est-il possible? Ce type d'effet, rendu responsable au moins partiellement de la catastrophe des sondages de l'élection présidentielle de 2002, semble relever du passé. D'une part, le rappel de vote brut  pour LePen en 2017 est très près des résultats réels de 2017 pour les instituts qui donnent l'information (merci), ce qui signifie que ceux et celles qui ont voté Le Pen en 2017 sont présents dans les échantillons et n'hésitent pas à déclarer leur vote de 2017 alors qu'en 2002 (voir ici pour une analyse des sondages de cette élection), la différence entre la déclaration de vote de 1997 pour Jean-Marie LePen et la réalité était souvent très importante. Par contre, il faut noter que les électeurs ont tendance à aligner leur déclaration de vote passé sur leurs intentions de vote actuelles. En clair, si on a l'intention de voter Le Pen en 2022, on aura plus tendance à déclarer avoir voté Le Pen en 2017, même si ce n'est pas le cas. Ceci peut provoquer une sous-estimation du vote Le Pen quand on redresse en fonction du vote précédent déclaré. Dans cet article, j'ai montré que cette pratique de redressement avait tendance à améliorer les estimations seulement en présence de partis ou de candidats plus extrémistes. Il s'agit d'une pratique très répandue en Europe.

3. Qu'en est-il des indécis? On devrait plutôt parler de discrets, une catégorie qui englobe ceux qui se disent indécis et ceux qui déclarent vouloir voter blanc ou nul. La pratique actuelle répartit ces répondants proportionnellement entre les candidats. Certaines études ont montré qu'il faudrait probablement les répartir différemment. Comme l'appui aux petits candidats a tendance à être surestimé par les sondages, il faudrait sans doute exclure ces candidats de la répartition. Par ailleurs, dans plusieurs élections québécoises et américaines de même que dans les référendums britanniques, une répartition non-proportionnelle des discrets donnant les deux tiers au parti ou côté le plus conservateur donnait de meilleures estimations du vote. Il est toutefois très difficile d'estimer comment on pourrait faire cette répartition dans le cas du premier tour en France étant donné le nombre de candidats et leur variation d'une élection à l'autre. Enfin, le plus important est que la proportion déclarée d'indécis selon les instituts est tout autant une mesure de la méthodologie utilisée que de la réelle proportion d'indécis. Les proportions varient en effet de 5% à plus de 30% que ce soit au premier ou au deuxième tour selon les instituts et varient peu dans le temps pour un même institut.

4. Qu'en est-il de la participation? Le taux de participation varie en fonction de l'âge, du niveau d'éducation et du revenu. Les plus jeunes, les moins éduqués et les plus pauvres ont moins tendance à aller voter. Quelles sont les conséquences? En général, les partis prisés par les jeunes, les Verts par exemple, ont tendance à être surestimés dans les sondages, entre autres parce que les jeunes vont d'autant moins voter que leur candidat n'a aucune chance de l'emporter. Ceci dit, la situation peut être différente dans une élection de premier tour. Par ailleurs, la participation a tendance à augmenter quand les résultats sont plus serrés, pour plusieurs raisons, dont l'intérêt plus fort pour l'élection et la mobilisation plus importante des militants. Qu'en était-il en 2017? Au deuxième tour, le taux de participation s'est élevé à près de 96% de celui de 1er tour, donc aucune baisse importante de la participation. Par ailleurs, 2,6% des votants de premier tour avaient voté blanc ou annulé et 11,5% de ceux de 2ème tour. Ceci permet de rappeler que les intentions -- de voter blanc ou de s'abstenir -- ne se concrétiseront pas nécessairement le jour du vote si les enjeux sont considérés importants et si l'élection est serrée.

En conclusion, les élections servent encore à quelque chose (!). On saura dimanche soir jusqu'à quel point les sondages ont bien mesuré les intentions de vote, du moins celles qui avaient cours ce vendredi. S'il y avait des résultats étonnants, ce sera une occasion de raffiner les méthodes. Il sera d'ailleurs intéressant de voir si certains instituts et certaines sources d'échantillons s'en tirent mieux que d'autres. Il demeure toutefois que les différences entre instituts ne sont pas énormes. Duel Macron- LePen assuré au deuxième tour, donc et, normalement, Macron premier. Il est possible qu'un ralliement aux candidats de tête se fasse en fin de campagne et qu'ils soient sous-estimé par les sondages.

Un dernier point sur les méthodologies. Les sondages utilisant les opt-in panels -- appelés access panels en France -- ont eu tendance dans d'autres élections à avoir de la difficulté à détecter les changements dans les intentions de vote. Ça ne semble pas s'avérer en France. 


Remerciements à Shawn Leroux pour l'identification des sondages et l'entrée des données.


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