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mardi 27 septembre 2022

Plus ça change...

 Bonjour,

Deux sondages post-débat sont parus aujourd'hui, un de la firme Léger et le sondage roulant de Mainstreet. Les deux mêmes questions soulevées dans le message de dimanche reviennent nous hanter. Y a-t-il une différence entre les firmes? Y a-t-il une évolution des intentions de vote?

Des différences?

Les différences entre les deux firmes les plus présentes depuis août, soit Léger -- quatre sondages -- et Mainstreet -- neuf sondages indépendants (voir note 1) -- se maintiennent. Quatre points de plus pour Québec Solidaire (QS) et trois points de plus pour le Parti Québécois (PQ), en moyenne, chez Léger. Près de quatre points de plus pour le Parti Conservateur (PC) chez Mainstreet. Ces différences montent toutefois à plus de cinq points pour QS et le PC chez les francophones et dans la région de Québec. J'ai abordé les possibles raisons des différences dans mon message de blogue précédent. 

J'ajouterais qu'il y a une différence entre les firmes quant à la proportion de jeunes de 18 à 34 ans et d'allophones non-pondérés dans les échantillons, soit les proportions brutes de personnes rejointes. Évidemment, ces proportions sont ajustées par pondération et sont normalement les mêmes dans les estimations publiées. Léger a des proportions plus près de la réalité pour les jeunes (27,8% comparé à 11,2% pour Mainstreet) et pour les non-Francophones (16,8% comparé à 13,6%). L'impact possible est qu'habituellement, plus les membres d'un sous-groupe sont difficiles à joindre, moins ceux qui sont rejoints sont représentatifs de leur groupe. Ceci pourrait expliquer les différences entre les deux firmes pour ce qui est de l'appui aux partis qui sont plus populaires dans certains sous-groupes.

Est-ce que les intentions de vote changent?

Nous avons maintenant suffisamment de sondages pour estimer avec plus de fiabilité la possibilité d'un changement post débat(s). Comme l'illustre ce graphique, le seul parti qui semble avoir augmenté ses appuis est le Parti Québecois (PQ). Les appuis au PQ seraient passés de 8% en août à près de 12% au cours des derniers jours. Pendant ce temps, les appuis à la Coalition Avenir Québec (CAQ - 40%), au Parti Libéral du Québec (PLQ - 16%) et au PC (16,5%) sont stables. Les appuis à QS apparaissent fluctuants mais se retrouvent au même point qu'au début de la campagne, un peu en bas de 15%.


En conclusion

Si la vérité se situe dans la moyenne entre les différentes firmes, nous devons conclure à une relative stabilité des intentions de vote, sauf pour le PQ. Par contre, il n'y a pas suffisamment de sondages pour savoir de façon fiable que les deux firmes voient également les mêmes tendances.


Note 1: Les sondages Mainstreet sont des sondages roulants (tracking) où on collecte des données à chaque jour et on publie quotidiennement la moyenne cumulative des derniers jours (on retire les données de la journée la plus éloignée et on ajoute celles de la journée la plus récente). Les analyses statistiques doivent tenir compte de cette situation: il faut éviter un chevauchement des informations puisque les informations entrées ne seraient pas indépendantes et cela donnerait un poids trop élevé aux sondages faits par la firme. Pour éviter un chevauchement des informations, je rentre les sondages Mainstreet une seule fois par période. Au début de la campagne, la période était de quatre jours. Elle est passée récemment à trois jours.

dimanche 25 septembre 2022

Un sondage ne fait pas le printemps

 Bonjour,

 

Mise à jour: Je n'avais pas vu un sondage Research Co. effectué cette semaine. J'ai refait les analyses en intégrant ce sondage et j'ai refait les graphiques en intégrant ce sondage et le sondage de Segma Recherche. Cela n'entraîne pas de changement notable dans le graphique. Les changements sont mentionnés dans le texte. 

Ce premier message de blog de la campagne arrive un peu tard pour une raison simple: Pour analyser les sondages, il faut des sondages! Or, depuis le sondage Léger du 22 au 26 août, la semaine avant le déclenchement de la campagne le 28 août, seuls 13 sondages nationaux indépendants (voir note 1) -- incluant Research Co.-- ont été publiés. Cette situation est similaire à celle de la campagne québécoise de 2008 où le PLQ était donné gagnant. Bref, plus le gagnant est connu avec certitude, moins il y a de sondages.  

Des différences entre les firmes?

Ce message fait suite à mon article publié dans La Presse Plus mercredi: Sondages, méthodologie et intentions de vote - La Presse+ où je m'attardais à deux questions, soit l'existence de différences entre les firmes de sondage et la présence possible de mouvement. Je complète les analyses pour la période commençant fin août et en intégrant le sondage Segma publié mercredi 21 septembre et deux périodes de sondage Mainstreet (18-20 et 21-23 septembre).

Les conclusions que j'avais tirées dans cet article sur les différences entre Léger360 et Mainstreet sont confirmées avec l'ajout des nouveaux sondages. Il y a une différence systématique de quatre points pour les estimations de l'appui au Parti Conservateur du Québec (PCQ) et à Québec Solidaire (QS). Léger estime l'appui à QS à 16% en moyenne (12,1% pour Mainstreet) et le PCQ à 15% (19% pour Mainstreet). La différence d'estimation pour le PQ est toujours marginale: 11% pour Léger, 8,7% pour Mainstreet. Les différences sont particulièrement importantes dans la région de Québec, là où les tailles d'échantillons sont petites. On parle de plus de cinq points de différence pour le PC et QS.

Qu'en est-il des estimations de Segma Recherche? Cette firme utilise une méthodologie différente de celle des deux autres firmes, soit un "classique" sondage téléphonique avec interviewer. Ses estimations se distinguent par une évaluation nettement plus élevée pour le Parti Québecois (PQ) -- 2,8 points de plus que Léger et 4,9 de plus que Mainstreet -- et le PLQ -- trois points de moins que Léger et 3,3 points de moins que Mainstreet.

 Research Co. a publié un sondage du 19 au 21 septembre, donc elle aussi avant le débat. Il s'agit d'une firme de Vancouver, déjà présente en 2018, qui fait des sondages Web mais en utilisant une source d'échantillons différente de ce que fait Léger, avec des visées probabilistes. Ses estimations se rapprochent plus de celles de Mainstreet que de celles de Léger.

De nombreuses raisons peuvent expliquer ces différences. Certains se rappelleront qu'à l'époque où tous les sondages étaient fait par téléphone avec interviewer, la surestimation du PQ et la sous-estimation du PLQ étaient presque la norme. Par ailleurs, les sondages de type téléphonique automatisé ont eu tendance dans les élections américaines et australiennes à mieux estimer les appuis plus à droite mais il faut garder à l'esprit que les situations politiques sont différentes. De la même manière, particulièrement dans les premières années de leur utilisation, les sondages web ont eu tendance à surestimer l'appui à gauche mais entretemps, les firmes ont eu le temps de raffiner leurs méthodes. Il demeure que la majorité des sondages Web américains ont fortement sous estimé l'appui à Donald Trump lors de l'élection présidentielle de 2020. Par contre, les estimations de Léger dans cette élection étaient à l'intérieur de l'intervalle de crédibilité.

Qu'en est-il de l'évolution des intentions de vote?

Étant donné la différence marquée entre le sondage Segma et les sondages des deux autres firmes, j'ai décidé d'exclure ce sondage des analyses. Les analyses sont donc basées sur 13 sondages, huit de Mainstreet, trois de Léger, un de Segma et un de Research Co.

Le graphique montre que les appuis à la CAQ semblent relativement stables depuis le début de la campagne, autour de 40% (39,5% en moyenne). Les appuis au PLQ (17% en moyenne) et au PQ (9,7%) sont également relativement stables. Il y a eu possiblement une baisse de un demi-point pour le PLQ et une hausse de un point pour le PQ depuis le début de la campagne mais il faut attendre d'autres sondages pour en être certain d'autant plus que les firmes se contredisent sur ces estimations. De plus, il ne faut pas oublier que les sondages ne mesurent pas un possible effet du débat de Radio Canada tenu le jeudi 22 septembre.

Québec solidaire semble également ne pas avoir fait de gains au total mais ses appuis auraient fluctué -- en baisse puis en remontée. Par contre, les appuis au PC auraient possiblement augmenté d'un point et demi depuis le début de la campagne. Il faut toutefois tenir compte encore plus pour ces deux partis de la différence entre les firmes de sondage. La présence plus importante des sondages d'une firme à certaines périodes influencent les courbes. En moyenne, les appuis à QS se situent à 13,5% et ceux du PCQ à 17,7% mais en fin de parcours, ils approchent 15% pour QS et 19% pour le PCQ.


En conclusion

La prudence demande de conclure qu'il y a eu peu de mouvement dans les intentions de vote depuis le début de la campagne. L'avenir dira si le dernier débat a eu un impact substantiel sur les intentions de vote. Toutefois, dans les circonstances actuelles, il sera très important de suivre l'évolution des appuis jusqu'à la toute fin.


Note 1: Les sondages Mainstreet sont des sondages roulants (tracking) où on collecte des données à chaque jour et on publie quotidiennement la moyenne cumulative des derniers jours (on retire les données de la journée la plus éloignée et on ajoute celles de la journée la plus récente). Les analyses statistiques doivent tenir compte de cette situation: il faut éviter un chevauchement des informations puisque les informations entrées ne seraient pas indépendantes et cela donnerait un poids trop élevé aux sondages faits par la firme. Pour éviter un chevauchement des informations, je rentre les sondages Mainstreet une seule fois par période. Au début de la campagne, la période était de quatre jours. Elle est passée récemment à trois jours.


dimanche 24 avril 2022

France 2022 - Les sondages et le vote

 Bonjour,

 Un dernier court message de blog pour cette campagne. Les analyses de l'ensemble des sondages donnaient une estimation d'au plus 56% à Emmanuel Macron. Toutefois, certains sondeurs estimaient son appui à 57% et 57.5%.  Emmanuel Macron a obtenu 58.4%. Les échantillons étant très importants (de 1500 à 3100), les marges d'erreur sont très petites. Par conséquent, la majorité des estimations sont en dehors de la marge d'erreur. Toutefois,...

Le premier graphique montre la progression des intentions de vote à partir du 1er avril, soit 10 jours avant le premier tour. Il illustre bien l'écart entre les sondages et le vote. Toutefois, il faut noter que les appuis à Emmanuel Macron étaient en hausse tout au long de la dernière semaine et qu'ils peuvent avoir continuer à augmenter dans les derniers jours.



Le dernier graphique donne une idée de l'évolution des intentions de vote à partir du 1er janvier, ce qui permet d'avoir le portrait global de l'ensemble de la campagne. Les intentions de vote pour Emmanuel Macron avaient augmenté au moment de la guerre en Ukraine puis était revenues au niveau initial et avaient même baissé encore plus avant le premier tour. Il semble qu'il a réussi à regagner des appuis dans l'entre deux tours. Cette fluctuation des appuis est très différente de la campagne de 2017 alors que les appuis à Emmanuel Macron et Marine Le Pen avaient été assez stables tout au long de la campagne.

En conclusion, la performance des sondages n'est pas très différente de celle de 2017 alors que les sondages avaient sous-estimé Emmanuel Macron de près de trois points. L'écart est un peu moins important pour cette élection et pourrait être attribué à des mouvements de dernière minute. Seule une analyse post électorale conduite auprès des répondants à un dernier sondage pré-électoral pourrait permettre de valider cette possibilité.



vendredi 22 avril 2022

France, deuxième tour, c'est bouclé

 Bonjour,

 

Nous avons repéré tous les sondages qui estimaient l'appui à Emmanuel Macron et à Marine Le Pen respectivement depuis le 1er janvier. Dans ce court message, j'illustre l'évolution de ces appuis depuis le 1er janvier et je fais ensuite le focus sur les sondages réalisés depuis le 1er avril.

Comme le montre le premier graphique, l'écart entre les deux candidats s'était resserré avant le premier tour. Toutefois, depuis le premier tour, l'écart s'est de nouveau creusé de sorte qu'il est estimé à au moins 10 points par tous les sondeurs sauf 1 (Odoxa) qui a fait un sondage sur une journée seulement, hier.

Si on fait le focus sur les sondages réalisés depuis le 1er avril, il est plus facile de constater que les appuis à Emmanuel Macron sont continuellement en hausse depuis le 1er tour, l'estimation de l'écart se situant à 12 points. 



En conclusion, pas de surprise à l'horizon pour le second tour. Emmanuel Macron a fait des gains d'environ trois points entre les deux tours, comme en 2017. Par ailleurs, en 2017, il avait recueilli trois points de plus que ce que les sondages lui allouaient. Il sera intéressant de voir si cette performance se répète à cette élection.



 

dimanche 10 avril 2022

France 2022, le jour d'après

Bonjour,

Voici un court bilan de la performance des sondages de 1er tour. D'abord quelques précisions. 

Je fais l'analyse de la performance de l'ensemble des sondages sans évaluer la performance des instituts pris individuellement. Pourquoi? Le hasard fait parfois mal les choses. Des instituts qui ont fait leur travail en respectant les normes les plus sérieuses pourraient se retrouver avec de mauvaises estimations, par mauvais hasard, et à l'inverse un institut qui "tourne les coins ronds", s'il existe, pourrait se retrouver avec de bonnes estimations, par chance. Ce type d'évaluation est donc sujet à caution.

Deuxième précision, la seule manière de vraiment évaluer la performance des sondages demande de faire un sondage post-électoral auprès des répondants du sondage pré-électoral. C'est ce que nous avons fait, André Blais et moi-même pour l'élection québécoise de 2018 dans l'article suivant. Cela nous a permis de démontrer que les estimations n'étaient pas mauvaises. C'était plutôt des changements importants dans les intentions de vote dans les derniers jours de la campagne qui expliquaient les différences entre les estimations et le vote.

Voici donc le graphique de l'évolution des intentions de vote de l'élection présidentielle française de 2022 comparées au résultat publié après comptage de 97% des votes. La marge d'erreur des analyses produites est très petite étant donné le nombre de sondages pris en compte et en conséquence, le nombre total de répondants. 

Le graphique montre que les appuis aux deux candidats de tête sont très bien estimés. Par contre, pour les trois autres candidats, les prédictions sont assez mauvaises. L'appui à Jean-Luc Mélenchon a été sous-estimé de près de 4 points en moyenne. Les instituts lui ont accordé de 16% à 18%, il a obtenu près de 22%. De la même manière, l'appui à Valérie Pécresse a été estimé entre 7% et 9,5% alors qu'elle n'a  pas obtenu 5%. Finalement, l'appui à Éric Zemmour a été estimé entre 8% et 11% alors qu'il a obtenu 7% du vote. On peut donc conclure que l'appui à ces trois candidats a été mal estimé globalement. C'est par ailleurs uniquement pour ces candidats qu'il y avait des différences significatives entre certains instituts.

En conclusion, étant donné les mouvements dans les intentions de vote dans les derniers jours de la campagne, il est possible qu'il y ait eu des mouvements de dernière minute qui expliqueraient les mauvaises estimations pour Mélenchon, Pécresse et Zemmour. Seules des recherches plus poussées permettraient de conclure définitivement sur cette question. Il est à espérer que certains instituts -- en plus de l'enquête électorale française menée par le CEVIPOF -- feront la collecte de ces informations, ce qui permettrait éventuellement d'améliorer si nécessaire les méthodologies utilisées.

Un dernier mot sur les estimations de la firme Cluster17 qui a fait l'objet d'avertissements de la Commission des sondages. Ses estimations se comparent à celles des autres firmes. Elle a une estimation légèrement plus élevée pour Mélenchon -- qui a été sous-estimé en général -- et pour Zemmour -- qui a été surestimé, mais la différence n'est pas énorme (1-3 points).

vendredi 8 avril 2022

France 2022, le jour d'avant

Bonjour,

Maintenant qu'il n'est plus possible de publier des sondages en France, voici l'évolution des intentions de vote mise à jour, telle que mesurée par l'ensemble des sondages. Il apparaît qu'il y aura des sondeurs... et des Français, sans doute, stressés dimanche, jour de vote.

Le premier graphique montre l'évolution des intentions de vote pour les cinq principaux candidats. Les tendances constatées dans la dernière semaine se confirment.  Les appuis à Emmanuel Macron et à Marine LePen se touchent presque autour de 25%, un écart de 2 à 3 points les séparant,. L'appui à Mélenchon s'approche maintenant de 17% et les appuis à Zemmour et à Pécresse sont sous la barre des 10%.


Le graphique suivant qui montre l'écart entre les deux candidats de tête est encore plus parlant. Cet écart est estimé à environ 3,5 points de pourcentage en ce moment. Notez que la marge d'erreur pour ce type d'analyse qui tient compte de l'ensemble des sondages est nettement moins importante que pour chaque sondage pris individuellement. En résumé, il y a un écart en ce moment en faveur de Macron, mais il est mince.


Et le deuxième tour? Le même resserrement entre les appuis à Emmanuel Macron et à Marine LePen se produit au deuxième tour. Le graphique montre un écart estimé d'environ 5 points de pourcentage entre les deux candidats pressentis. Toutefois, comme je l'ai mentionné dans un message précédent, les intentions de vote de deuxième tour sont en ce moment "spéculatives" et c'est la campagne de deuxième tour qui sera déterminante. En 2017, par exemple, les sondages pour le deuxième tour faits avant l'élection de premier tour donnaient autour de 60% à Emmanuel Macron. Les sondages faits entre les deux tours lui donnaient autour de 63%. Il a terminé à 66%.


 Pour répondre à quelques questions...

1. Les sondages sont-ils fiables? On est encouragé par la performance des sondages français de premier tour de l'élection présidentielle de 2017 dont la prédiction était presque parfaite. De plus, malgré certaines différences dans les méthodologies, les estimations des instituts sont très similaires. Pour le deuxième tour, c'est une autre histoire, comme je viens de le mentionner. En 2017, les sondages avaient sous-estimé les appuis à Emmanuel Macron et non ceux à Marine LePen comme on aurait pu s'y attendre.

2. Un effet "shy Le Pen" est-il possible? Ce type d'effet, rendu responsable au moins partiellement de la catastrophe des sondages de l'élection présidentielle de 2002, semble relever du passé. D'une part, le rappel de vote brut  pour LePen en 2017 est très près des résultats réels de 2017 pour les instituts qui donnent l'information (merci), ce qui signifie que ceux et celles qui ont voté Le Pen en 2017 sont présents dans les échantillons et n'hésitent pas à déclarer leur vote de 2017 alors qu'en 2002 (voir ici pour une analyse des sondages de cette élection), la différence entre la déclaration de vote de 1997 pour Jean-Marie LePen et la réalité était souvent très importante. Par contre, il faut noter que les électeurs ont tendance à aligner leur déclaration de vote passé sur leurs intentions de vote actuelles. En clair, si on a l'intention de voter Le Pen en 2022, on aura plus tendance à déclarer avoir voté Le Pen en 2017, même si ce n'est pas le cas. Ceci peut provoquer une sous-estimation du vote Le Pen quand on redresse en fonction du vote précédent déclaré. Dans cet article, j'ai montré que cette pratique de redressement avait tendance à améliorer les estimations seulement en présence de partis ou de candidats plus extrémistes. Il s'agit d'une pratique très répandue en Europe.

3. Qu'en est-il des indécis? On devrait plutôt parler de discrets, une catégorie qui englobe ceux qui se disent indécis et ceux qui déclarent vouloir voter blanc ou nul. La pratique actuelle répartit ces répondants proportionnellement entre les candidats. Certaines études ont montré qu'il faudrait probablement les répartir différemment. Comme l'appui aux petits candidats a tendance à être surestimé par les sondages, il faudrait sans doute exclure ces candidats de la répartition. Par ailleurs, dans plusieurs élections québécoises et américaines de même que dans les référendums britanniques, une répartition non-proportionnelle des discrets donnant les deux tiers au parti ou côté le plus conservateur donnait de meilleures estimations du vote. Il est toutefois très difficile d'estimer comment on pourrait faire cette répartition dans le cas du premier tour en France étant donné le nombre de candidats et leur variation d'une élection à l'autre. Enfin, le plus important est que la proportion déclarée d'indécis selon les instituts est tout autant une mesure de la méthodologie utilisée que de la réelle proportion d'indécis. Les proportions varient en effet de 5% à plus de 30% que ce soit au premier ou au deuxième tour selon les instituts et varient peu dans le temps pour un même institut.

4. Qu'en est-il de la participation? Le taux de participation varie en fonction de l'âge, du niveau d'éducation et du revenu. Les plus jeunes, les moins éduqués et les plus pauvres ont moins tendance à aller voter. Quelles sont les conséquences? En général, les partis prisés par les jeunes, les Verts par exemple, ont tendance à être surestimés dans les sondages, entre autres parce que les jeunes vont d'autant moins voter que leur candidat n'a aucune chance de l'emporter. Ceci dit, la situation peut être différente dans une élection de premier tour. Par ailleurs, la participation a tendance à augmenter quand les résultats sont plus serrés, pour plusieurs raisons, dont l'intérêt plus fort pour l'élection et la mobilisation plus importante des militants. Qu'en était-il en 2017? Au deuxième tour, le taux de participation s'est élevé à près de 96% de celui de 1er tour, donc aucune baisse importante de la participation. Par ailleurs, 2,6% des votants de premier tour avaient voté blanc ou annulé et 11,5% de ceux de 2ème tour. Ceci permet de rappeler que les intentions -- de voter blanc ou de s'abstenir -- ne se concrétiseront pas nécessairement le jour du vote si les enjeux sont considérés importants et si l'élection est serrée.

En conclusion, les élections servent encore à quelque chose (!). On saura dimanche soir jusqu'à quel point les sondages ont bien mesuré les intentions de vote, du moins celles qui avaient cours ce vendredi. S'il y avait des résultats étonnants, ce sera une occasion de raffiner les méthodes. Il sera d'ailleurs intéressant de voir si certains instituts et certaines sources d'échantillons s'en tirent mieux que d'autres. Il demeure toutefois que les différences entre instituts ne sont pas énormes. Duel Macron- LePen assuré au deuxième tour, donc et, normalement, Macron premier. Il est possible qu'un ralliement aux candidats de tête se fasse en fin de campagne et qu'ils soient sous-estimé par les sondages.

Un dernier point sur les méthodologies. Les sondages utilisant les opt-in panels -- appelés access panels en France -- ont eu tendance dans d'autres élections à avoir de la difficulté à détecter les changements dans les intentions de vote. Ça ne semble pas s'avérer en France. 


Remerciements à Shawn Leroux pour l'identification des sondages et l'entrée des données.


mercredi 6 avril 2022

France 2022, ça bouge?

 Bonjour,

 

De nouvelles données disponibles montrent de possibles changements dans l'évolution des intentions de vote. 

La figure 1 montre que la différence estimée de l'appui à Emmanuel Macron et à Marine LePen est de moins de cinq points. On peut comparer cette estimation à celle qui avait cours à la mi-février avant la hausse des appuis à Macron. Ces appuis ont atteint plus de 30% à la mi-mars alors que les estimations de la dernière semaine varient entre 25% et 28%. Du côté de Marine Le Pen, les appuis qui étaient stables à 17% jusqu'à la fin février se situent maintenant entre 20% et 23% (cinq instituts). 

L'écart estimé entre les appuis aux deux principaux candidats depuis le 1er avril varie de 2% à 6,5% pour une moyenne de 4,3%.

Les appuis à Jean-Luc Mélenchon ont aussi continué à grimper et se situent maintenant à plus de 15% alors que les appuis à Valérie Pécresse et Éric Zemmour ont continué à descendre et se situent autour de 10%. 

Il y a une certaine variabilité entre les estimations des divers instituts mais aucune différence moyenne significative pour les deux principaux candidats. Par contre, si l'on compare les courbes, on note que Cluster17 a toujours tendance à estimer les appuis à Macron et à Le Pen moins élevés et à Zemmour et Mélenchon, plus élevés. Ces différences sont toutefois très faibles.

Le graphique suivant fait le focus sur la dynamique à partir du 1er mars, ce qui permettra de comparer avec un graphique similaire pour 2017. La dynamique récente se présente clairement comme une baisse des appuis à Emmanuel Macron, Éric Zemmour et Valérie Pécresse couplée à une hausse des appuis à Marine LePen et à Jean-Luc-Mélenchon, moins forte pour ce dernier.


Si nous comparons ce dernier graphique avec celui de 2017 pour la même période, il apparaît évident que nous faisons face à une dynamique très différente, entre autres parce que quatre candidats -- Emmanuel Macron, Marine LePen, Jean-Luc Mélenchon et François Fillion -- se sont retrouvés "dans un mouchoir de poche", entre 20% et 24% des intentions de vote en fin de campagne à l'époque, et que Macron et Le Pen se sont échangés la première place dans les sondages. Les sondages avaient prédit le vote final avec une précision remarquable.

Le deuxième tour

Le même rapprochement entre les estimations des appuis à Emmanuel Macron et à Marine LePen se produit dans les intentions de vote hypothétique de deuxième tour. Il ne faut pas se fier totalement à ces estimations. Ce sont des intentions de vote hypothétiques, prises à plus de deux semaines du vote et elles peuvent être influencées par la dynamique de la campagne entre deux tours. De plus, les taux de discrets -- incluant les indécis, les abstentionnistes, etc. -- varient entre 18% et 24% selon les instituts.

Il demeure que la différence entre les deux candidats est estimée entre 3 points et 8 points selon les instituts alors qu'elle se situait généralement à plus de 20% à la mi-mars.


En conclusion, une campagne un peu plus "trépidante" que prévu, à suivre jusqu'à la fin. Toutefois, il serait étonnant que l'ordre des candidats se modifie.