Bonjour,
Dans ce message de blog, je vais répondre à trois questions. D'une part, je vais présenter l'évolution des intentions de vote depuis janvier. D'autre part, je me demande s'il y a eu des changements dans les intentions de vote depuis le déclenchement de la campagne. Je fais ces analyses pour le Canada entier et séparément pour l'Ontario et le Québec. Enfin, je vais examiner s'il y a des différences dans les estimations selon les méthodologies utilisées (pour le Canada en entier seulement).
Les graphiques que je présente ressemblent à ceux des agrégateurs
"médiatiques" comme 338Canada, CBC Poll tracker ou Polling Canada.
Toutefois, il y a des différences de méthodologie qui peuvent entraîner
des différences d'estimation. Ces différences sont présentées à la fin
de ce message.
Que s'est-il passé depuis janvier?
Le premier graphique montre que l'on est parti d'un écart de plus de 20 points de pourcentage en faveur du parti Conservateur du Canada (PCC) (45% à 23%) en début d'année, à huit points d'avance du Parti Libéral du Canada (PLC) sur le PCC aujourd'hui. Les événements majeurs qui ont eu lieu entre temps sont la démission de Justin Trudeau le 6 janvier suivi par son remplacement officiel par Mark Carney le 9 mars, l'investiture de Donald Trump comme président des États-Unis le 20 janvier et les interventions qui ont suivi et enfin le déclenchement de la campagne électorale le 23 mars. Il n'est pas clair si la hausse des intentions de vote pour le PLC a commencé dès la démission de Justin Trudeau ou avec l'investiture de Donald Trump ou même l'apparition de Mark Carney comme possible candidat. Une chose est certaine, la hausse s'est poursuivie au moins jusqu'au déclenchement des élections.
Les intentions de vote pour le PLC se situeraient donc à 45 pour cent, celles pour le PCC à 37%, celles du Nouveau Parti Démocratique (NPD à 8%, celles du Bloc Québécois (BC) à 5% et celles du Parti Vert aux environs de 2-3%. Le PLC a gagné des intentions de vote non seulement aux dépens du PCC mais également au NPD (moins 10 points) et au Bloc Québécois (moins 4 points).
Comment cela se traduit-il au Québec et en Ontario? Le deuxième graphique montre que le PLC est aussi à près de 45 pour cent au Québec mais les autres partis sont très loin derrière. Le PCC était nettement moins en avance sur le PLC au Québec en début d'année. Le PLC a fait une remontée aussi importante que dans l'ensemble du Canada mais ceci aux dépens de tous les autres partis et particulièrement aux dépens du Bloc Québecois qui a perdu près de 15 points contre 2-3 points pour le PCC et quatre points pour le NPD. Il faut noter qu'étant donné la taille des échantillons, la variation des estimations selon les firmes de sondage est plus grande que pour l'ensemble du Canada.
En Ontario, le PLC a aussi gagné 20 points mais comme il partait à 30%, il est maintenant estimé à 50%. Le PCC aurait perdu près de six points et se retrouve à 39 pour cent, le NPD dix points (7,5%) et le Parti Vert deux points (2%).
Que se passe-t-il depuis le début de la campagne?
Les trois prochains graphiques montrent l'évolution des intentions de vote depuis le déclenchement de la campagne électorale le 23 mars. La hausse constatée depuis janvier disparait si on prend en compte uniquement les sondages réalisés au moins partiellement pendant la campagne, un peu comme si tout le monde était en attente ou comme si les intentions de vote étaient déjà fixées.
Le début du graphique montre le PLC en légère hausse mais par la suite, c'est "le calme plat". Idem pour les autres partis. Les estimations basées uniquement sur les sondages de campagne ne sont pas très différentes de celles qui prenaient en compte l'ensemble des sondages depuis janvier. Le PLC est à près de 45%, le PCC à 38%, le NPD à 9%, le Bloc à 5% et le Parti vert à 2%. L'écart entre les deux principaux partis n'est pas en train de se resserrer comme ont voulu le prétendre certains sondeurs en se basant uniquement sur leurs propres sondages... et sans tenir compte de la marge d'erreur.
Pour le Québec, on note que le mouvement pré-campagne n'était pas terminé en début de campagne mais, comme pour le Canada, les intentions de vote sont maintenant stables. Le PLC serait à 43%, le PCC et le Bloc à égalité à 24-25%, le NPD à 6% et le Parti Vert à 2%.
En Ontario également, c'est très calme. Rien ne bouge. Le PLC est à 50%, le PCC à 38%, le NPD à 8% et le Parti Vert à 2%.
Mais peut-on se fier aux sondages? Y a-t-il des différences systématiques selon les méthodologies utilisées?
Les 128 sondages réalisés depuis le début de la campagne ont utilisé le Web à 44%, le mode téléphonique automatisé (IVR) à 23% et le téléphone ou un mode mixte (téléphone + web, sms to web) à 32%. Notons qu'une firme, Mainstreet qui utilisait le mode sms-to-web est passée au mode IVR récemment.
Le graphique montre l'évolution des intentions de vote selon le mode utilisé. On note que le mode IVR et les modes mixtes ont tendance à donner des intentions de vote plus élevée que le mode Web. Les analyses statistiques montrent que le mode IVR donne 4.2 points de plus au PLC et les modes mixtes 1,9 points de plus que le mode Web, ceci après avoir contrôlé pour le moment où chaque sondage a été fait.
Si on ne retient que les 53 sondages réalisés depuis le début de la campagne, la situation est similaire mais les différences sont moins importantes. Le mode IVR donne des intentions de vote systématiquement plus élevées que le mode Web. Statistiquement, on parle de trois points de plus pour les sondages IVR et de 1,3 points de plus pour les sondages mixtes, une différence non-significative dans ce cas.
Conclusion
À la veille du débat, la situation est relativement claire et stable. Le Parti Libéral est en tête et formera le nouveau gouvernement si rien ne change d'ici la fin de la campagne. Il faut toutefois faire attention au mode de collecte utilisé par les firmes de sondage. Si on regarde uniquement les sondages Web, les Libéraux sont moins en tête. Comment expliquer ces différences? Selon le mode utilisé, il peut exister des différences dans le type de personnes rejointes. Certaines personnes ne feront jamais un sondage Web, d'autres ne répondent jamais à un sondage téléphonique automatisé. Les différences peuvent toutefois s'estomper à mesure que l'on approche de l'élection, entre autres parce que les opinions changent moins.
Sur ce, bon débat!
Crédit à Anthony Pelletier pour le travail d'entrée des données et de production des graphiques.
Méthodologie:
La méthodologie que j'utilise est différente de celle des agrégateurs sur deux plans. Sur les graphiques, chaque point représente une estimation de l'intention de vote faite par un sondeur, placée à la date du milieu de la période de collecte. Les lignes sont des estimations des intentions de vote utilisant la régression locale. Par contre, pour ce qui est des "tracking polls" ou sondages roulants, je les enregistre seulement une fois durant la période. En gros, si la période est de trois jours, j'enregistre les estimations une fois à tous les trois jours de façon à éviter la redondance dans les données, ce qui serait statistiquement inapproprié. Les agrégateurs ont plutôt tendance à enregistrer les estimations à chaque jour mais à leur donner un poids diminué (1/3 à chaque jour, par exemple). Par ailleurs, pour tracer les courbes d'évolution des intentions de vote, la régression locale donne moins de poids aux estimations des sondages qui sont plus loin des autres. Cette procédure permet de lisser l'évolution et de contrebalancer les sondages dont les estimations s'écartent de l'ensemble des autres.
Merci Claire. Ton éclairage est toujours super intéressant et bien appuyé
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