Un aveu pour commencer. Autant j'étais à peu près certaine que les sondages sousestimaient le PLQ en 2012, autant je suis peu sûre de moi en ce moment. Trois questions dans ce message de blogue, sur l'évolution de la campagne, sur la participation et sur l'avenir.
Première question: Que s'est-il passé? Cette campagne ressemble beaucoup à celle de 2003, à une exception près, soit le plafonnement du PLQ et la remontée de la CAQ en fin de campagne. Notons que cette remontée se fait après que le vote anticipé a eu lieu pour près de 20% des électeurs. J'ai ajouté les événements de la campagne sur le graphique de l'évolution des intentions de vote, ce qui donne une meilleure idée de ce qui s'est passé. Les points représentent les sondages réalisés positionnés au milieu de la période pendant laquelle le sondage a été réalisé. J'ai fait une répartition non proportionnelle des discrets.
Quelques constatations:
- D'abord, la remontée du PLQ s'amorçait avant la sortie de PKP (première ligne verticale). En fait, on peut penser que le positionnement du PQ en avance sur le PLQ en février était conjoncturelle et ne relevait pas d'un mouvement de fond.
- Ensuite, le plafonnement du PLQ s'amorce dès le premier débat (deuxième ligne verticale). Depuis, aucun nouveau gain mais aucune perte significative non plus.
- Enfin, la remontée de la CAQ s'amorce après le deuxième débat (troisième ligne verticale) et se fait essentiellement aux dépens du PQ.
- Québec solidaire est stable mais ceci cache probablement une meilleure performance dans les comtés où le parti a des chances de l'emporter, soit sur l'île de Montréal. Ces données ne sont pas disponibles, du moins pas avec suffisamment de fiabilité pour que l'on puisse les analyser.
J'ai analysé les résultats des quatre dernières élections pour avoir une idée de la relation entre participation et vote. Vous pouvez trouver ma dernière analyse ici. En gros, j'avais montré que, dans l'éventualité d'une élection du PQ, les électeurs libéraux étaient mobilisés et votaient proportionnellement plus que dans les élections où ils étaient assurés que le PLQ prendrait le pouvoir. Ceci est lié au fait qu'une plus grande proportion d'entre eux résident dans des comtés acquis au PLQ et voient moins la nécessité d'aller voter lorsqu'ils sont certains que leur parti préféré sera élu.
Plusieurs éléments font penser que le taux de participation sera élevé. D'une part, le référendum est un enjeu mobilisateur pour les électeurs du PLQ et le débat sur la Charte a constitué un élément supplémentaire de motivation pour ces mêmes électeurs. D'autre part, la remontée de la CAQ fait que plusieurs comtés considérés comme acquis à un parti ne le sont plus et les partis mobiliseront donc davantage dans ces comtés. Par ailleurs, le vote par anticipation a battu des records, ce qui atteste normalement d'un intérêt à la campagne. Enfin, le fait que les media soulignent que la bataille est serrée devrait également être mobilisateur.
Mon hypothèse est que cela avantagera le PLQ pour les raisons mentionnées plus haut et que par conséquent, le PLQ sera sous-estimé par les sondages. C'est une hypothèse. :)
Troisième question: Les sondages peuvent-ils se tromper fortement comme en Alberta en 2012 et en Colombie-Britannique en 2013? Vous trouverez ici une présentation que j'ai faite concernant les sondages de l'élection canadienne de 2011, des élections d'Alberta et du Québec en 2012 ainsi que de l'élection de Colombie Britannique en 2013.
Quatre observations:
- La première est que les sondages québécois ont déjà fait des erreurs mais jamais de l'ampleur de ce que nous avons vu dans les campagnes d'Alberta et de Colombie-Britannique. On parle de 17 points d'erreur au total en Alberta et 10 en Colombie-Britannique. La sous-estimation du PLQ au Québec donne au maximum une erreur totale de 4 à 6 points.
- La deuxième est que les sondages ne sous-estiment pratiquement jamais l'électorat à gauche. C'est également le cas généralement dans d'autres pays européens et aux États-Unis. L'exception à la règle est l'Alberta où la gauche a été sous-estimée mais dans ce cas, la gauche était... le parti Conservateur (comparé au Wild Rose). Et donc, au Québec, le PQ et Québec solidaire peuvent être surestimées, le PLQ et la CAQ, sous-estimés.
- La troisième est que dans les trois élections provinciales, il y avait un parti qui avait été longtemps au pouvoir (Libéraux au Québec et en Colombie-Britannique, Parti conservateur en Alberta) dont les électeurs étaient majoritairement insatisfaits et les sondages montraient une volonté de changement. Et dans les trois élections, c'est le parti au pouvoir depuis longtemps qui a été sous-estimé. Nous ne sommes pas dans cette situation actuellement.
- La dernière est que les sondages WEB se différencient habituellement par une plus forte surestimation de la gauche. Toutefois, cette situation ne s'est pas produite au Québec dans les élections fédérales de 2011 et québécoise de 2012.
Bref, si on se fie à l'histoire, aux recherches et aux analyses empiriques, les sondages devraient être assez fiables. Ils peuvent sous-estimer certains partis mais ça devrait rester à l'intérieur de la marge d'erreur.
En conclusion, une prédiction
Ma meilleure prédiction est probablement celle que j'ai fait en début de campagne "Tout peut arriver", à laquelle je rajoute quand même "ou presque". Je viens de regarder les Coulisses du Pouvoir et j'ai constaté que mes prédictions sont tout à fait en ligne avec celles des analystes réputés :). Je peux peut-être prédire ce qui ne peut pas arriver, comme une remontée de Québec solidaire -- demeurée stable pendant toute la campagne.
Par contre, dans les deux élections québécoises où j'ai fait un sondage post-électoral (2007 et 2012), j'ai constaté un mouvement de fin de campagne vers le PQ. S'agit-il d'une tendance de certains électeurs de dire qu'ils ont voté pour le PQ même si ce n'est pas le cas? Difficile à dire. Toutefois, si ce mouvement est avéré, cela signifie que le PQ est encore plus surestimé que l'on croit par les sondages pré-électoraux. Au final, il est toujours possible que le PLQ soit sous-estimé mais cette fois-ci, il pourrait être accompagné de la CAQ étant donné les mouvements de fin de campagne.
juste un détail : Quelle est la marge d'erreur de ces sondages avec échantillon non représentatifs ?
RépondreEffacerQuand on fait des pondérations sur un échantillon pour corriger sa représentativité, ça augmente la marge d'erreur comparativement à un échantillon non-pondéré qui n'aurait pas besoin d'être corrigé. C'est donc au moins le calcul habituel (±98 % divisé par la racine carrée du nombre de répondants). Mais on peut pas faire ce calcul sans accès à la liste des pondérations, que le sondeur garde précieusement pour lui-même...
EffacerPas de marge d'erreur. On a tendance à parler d'intervalle de crédibilité en le calculant comme la marge d'erreur mais c'est certain qu'il faut être prudent.
RépondreEffacer