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lundi 28 octobre 2013

Pour en finir avec le taux de participation et le vote pour le PQ





On souligne souvent dans les medias qu’une participation élevée aux élections « aide » le Parti québécois (voir par exemple une chronique récente d’Alec Castonguay dans l’Actualité où celui-ci « rappelait » qu’un faible taux de participation avantage les Libéraux). J’ai examiné cette hypothèse dans un article paru dans Options politiques en février 2009. Dans cet article, je concluais que la participation était d’abord et avant tout liée au fait que la lutte était ou non serrée. En gros,  il faut regarder le sens de la relation : ce n’est pas que la participation « aide » le Parti Québécois à prendre le pouvoir mais que l’éventualité d’une prise du pouvoir par le Parti Québécois encourage la participation, y compris celle de ses opposants. J’ai collecté les données des élections de 2012 pour vérifier si cette conclusion tient toujours. 

Le premier tableau indique le taux de participation depuis l’élection de 1973, les résultats pour les trois partis ayant recueilli le plus de vote de même que l’écart entre la proportion de vote obtenu par le premier et le deuxième parti et entre le deuxième et le troisième parti.

Tableau 1 Participation et résultats du vote


participation
parti 1
parti 2
parti 3
écart p1-p2
écart p2-p3
1973
80,4
54,6
30,2
9,9
24,4
20,3
1976
85,3
41,4
33,8
18,2
7,6
15,6
1981
85,5
49,3
46,1
4,0
3,2
42,1
1985
75,7
56,0
38,7
2,4
17,3
36,3
1989
75,0
50,0
40,2
3,7
9,8
36,5
1994
81,6
44,7
44,4
6,5
0,3
37,9
1998
78,3
43,6
42,9
11,8
0,7
31,1
2003
70,4
46,0
33,2
18,2
12,8
15
2007
71,2
33,1
30,8
28,3
2,3
2,5
2008
57,4
42,1
35,2
16,4
6,9
18,8
2012
74,6
31,9
31,2
27,5
0,7
3,7








Ce tableau permet de constater trois points.
    

  1.  Le taux de participation ne diminue pas automatiquement avec le temps. Il fluctue d’élection en élection. 
  2.  Il y a effectivement une relation entre le taux de participation et le parti élu. Dans les élections où le Parti Québécois est élu (lignes en bleu), le taux de participation est nettement plus élevé que dans les élections où le PLQ prend le pouvoir.
  3. Lorsque le Parti Québécois est élu, la lutte est toujours plus serrée que dans les élections où le Parti Libéral est élu. En fait, au cours des trois dernières élections où le Parti Québécois a été élu, l’écart entre celui-ci et le Parti Libéral du Québec (écart p1-p2) a toujours été inférieur à un pourcent, en plus (1994, 2012) ou en moins (1998). Il s’agit donc d’élections très serrées.


La deuxième question qui se pose est pourquoi? Si le taux de participation est plus élevé lorsque le Parti Québécois est élu, est-ce parce que ses partisans vont plus voter ou parce que les partisans des autres partis se mobilisent plus? 

Dans l’article publié dans Options politiques, je soutenais que le taux de participation dans chaque circonscription variait en fonction de deux éléments : a) jusqu’à quel point la lutte est serrée et b) jusqu’à quel point la circonscription élit des partis différents d'une élection à l'autre. Une évidence, direz-vous, mais la vérification permet de savoir d’où vient la hausse du taux de participation. 

Regardons d’abord la moyenne du taux de participation et de l’écart entre la proportion de vote du parti arrivé premier et du parti arrivé deuxième en fonction du parti élu dans chaque circonscription en 2012.

Tableau 2. Parti élu, participation et écart entre le 1er et le 2ème en 2012


Nombre
Taux de participation
Écart entre le 1er et le 2ème
PLQ
50
70,9
20,5
PQ
54
73,8
14,2
CAQ
19
78,4
11,5
QS
2
76,4
18,4

Le tableau 2 montre que la participation est la plus élevée dans les circonscriptions qui élisent la CAQ ou Québec solidaire. De plus, c’est aussi dans les circonscriptions où la CAQ a été élue que l’écart moyen entre la CAQ et le parti arrivé deuxième a été le plus faible. Pourquoi?

Entre 2008 et 2012, il y a eu des changements dans les limites de plusieurs circonscriptions. Je ne peux pas en tenir compte, les calculs seraient trop longs. J’ai donc gardé uniquement les circonscriptions qui avaient gardé exactement le même nom depuis 2003, soit 110. Les circonscriptions sont catégorisées de la même manière qu'en 2009, selon qu’elles ont ou non toujours élu le même parti  au cours des quatre dernières élections.

Tableau 3. Typologie du parti élu depuis 2003, participation en 2012, et écart entre le 1er et le 2ème en 2012

Nombre
Taux de participation
Écart entre le 1er et le 2ème
Toujours PLQ
39
70,1
24,6
Toujours PQ ou ADQ/ CAQ
25
72,7
20,1
2 partis différents
41
75,1
9,7
3 partis différents
5
79,2
4,9

Le tableau 3 montre que le taux de participation est plus élevé uniquement dans les circonscriptions qui ont changé de parti élu au moins une fois au cours des quatre dernières élections. Dans celles qui ont toujours élu le même parti, que ce soit le PLQ, le PQ ou l’ADQ/CAQ, le taux de participation est nettement plus bas à 70,1 et 72,7 respectivement et l’écart moyen avec le deuxième parti est supérieur à 20 pour cent en moyenne. Dans les circonscriptions où deux ou trois partis différents ont été élus, la participation est nettement plus élevée (75,1% et 79,2% respectivement) et l’écart moyen entre le premier et le deuxième parti en 2012 est nettement plus faible (9,7% et 4,9%) que dans les autres circonscriptions.

Le tableau 4 présente les mêmes statistiques en fonction de la catégorisation selon l’écart entre le parti arrivé premier et le celui qui est arrivé deuxième. Dans les circonscriptions catégorisées comme à lutte serrée, l’écart est de moins de 10 pourcent dans au moins trois élections sur quatre. A l’inverse, dans les circonscriptions sûres, ce même écart a été de plus de 20 pourcent dans au moins trois élections sur quatre.

Tableau 4. Typologie selon l’écart habituel entre le 1er et le 2ème depuis 2003, participation et écart entre le 1er et le 2èm en 2012

Nombre
Taux de participation
Écart entre le 1er et le 2ème
Lutte serrée
30
75,0
7,2
Circonscription sûre
27
67,2
37,1
Autre
53
74,8
12,5

Le tableau 4 montre que le taux de participation a été près de huit points plus bas dans les circonscriptions sûres que dans les autres. Il faut noter que 21 des 27 circonscriptions sûres ont toujours élu un député PLQ et cinq, un député PQ ou ADQ/CAQ. Par contre, dans les 30 circonscriptions à lutte serrée, 19 ont élu deux partis différents dans les quatre dernières élections et deux ont élu trois partis différents. 

Si on compare ces chiffres à ceux que j’ai produits en 2009 dans l’article pour Options politiques, on note que, lorsque le Parti Québécois est élu (1998 et 2012), l’écart de taux de participation entre les circonscriptions sûres et les autres est habituellement moins élevé (2,6 points en 1998 et 7,8 points en 2012) que lorsque le PLQ est élu (11,3 en 2007 et 11,5 en 2008) à l’exception de 2003 (5,9 points) quand il y a eu changement de parti au pouvoir. Ceci signifie que le taux de participation général plus élevé quand le PQ prend le pouvoir est surtout dû à un taux de participation proportionnellement plus élevé dans les circonscriptions sûres, habituellement acquises au PLQ.

En conclusion,

Il faut donc conclure que l’éventualité d’une élection du Parti Québécois est concurrente à une mobilisation plus importante, en particulier dans les circonscriptions sûres. Ceci peut être dû au fait que, dans les élections où le PQ a été élu, l’écart avec le PLQ était particulièrement faible et donc, la lutte était très serrée. Ceci est peut-être un premier élément d’explication au fait que le PLQ est sous-estimé dans les sondages surtout quand le Parti Québécois prend le pouvoir. En effet, si les partisans du PLQ se mobilisent plus qu’à l’accoutumé lorsque les sondages laissent entrevoir l’éventualité d’une prise du pouvoir par le PQ ou, à tout le moins, une lutte serrée, le taux de participation, variable selon les partis, est susceptible d’expliquer la sous-estimation du PLQ par les sondages. On attend la prochaine élection pour vérifier l’hypothèse!

Au plaisir